Réflexion - Le mystère d’autrui

26/03/2020

     La relation que l'on tient avec autrui peut sembler banale tant on y est accoutumé. Depuis notre plus tendre enfance, on côtoie ce proche, à commencer par notre propre famille. L'autre apparaît alors comme un alter égo, un second soi, qui nourrit le quotidien de ses faits et ses gestes, de ses joies et peines, de ses approbations ou ses contradictions. Il est celui-là même qui rythme les journées, comme partie intégrante de la vie. Pourtant le risque de cette présence si familière est la routine, entraînant une forme de désintérêt.

Éternel étranger pour autrui : mystère pour autrui.

Éternel étranger pour lui-même : mystère pour soi 

   La découverte de ce mystère est une entreprise d'une importance particulière. Prendre conscience de celle-ci provoque des effets partagés : l'enthousiasme ou la crainte, l'élan ou la fuite. Cette recherche est un défi que nous sommes appelés à relever.

     « Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre. » écrivait Spinoza. Ce trésor à portée de mains que l'autre représente est accessible par une clef unique : l'effort de compréhension. Prendre soin de l'autre, c'est accepter avec bienveillance et attention sa part de mystère. Ni jugement, ni conseil égoïste : seule la charité compte. C'est d'ailleurs bien là le mal de notre temps, où la bienveillance se noie dans l'individualisme. La pression de l'image renvoyée est telle, qu'elle encourage la perte de confiance en soi. En effet, contrairement à ce qu'elle prône, la société nous cloisonne dans des diktats oppressants, voire jugeurs. Le conseil du philosophe précité n'est pas la non-réaction ; au contraire il invite à l'acceptation et à l'amour de l'autre tel qu'il est.

     Ne serait-il pas plus simple de rester dans son confort, sa bulle casanière et sa fade routine ? Pourquoi essayer de comprendre l'autre ? On aime que ce que l'on connaît... et ce que l'on comprend. L'altérité est une richesse telle, que passer à côté d'elle serait se satisfaire de trop peu. « Si on pouvait posséder, saisir et connaître l'autre, il ne serait pas l'autre » disait Emmanuel Levinas. L'autre nous échappe, il est insaisissable. C'est cette qualité qui le rend si précieux. Il est la panthère des neiges de Sylvain Tesson, l'objet d'une quête infinie et passionnée.

    Une fois acquise, cette volonté se confronte aussitôt à la difficulté de sa mise en œuvre. Comprendre n'est ni influencer, au risque de dénaturer ; ni s'imposer, au risque d'étouffer. Accueillir l'autre est un présent d'une grande richesse qui demande une réception respectueuse. Jacques Salomé célèbre ainsi ce don suprême qui impose de « se rencontrer sans se posséder, se rapprocher sans s'envahir ». Accueillir l'autre c'est déjà l'aimer. L'aimer sans jugement, juste pour ce qu'il est. Juste l'aimer. L'aimer pour ce qu'il est et non pour ce qu'il nous procure. Et c'est en l'aimant chaque jour davantage que l'on apprend à le comprendre. Aimer pour mieux comprendre et comprendre pour mieux aimer.

Photo prise par Vincent Munier

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